Greenwashing: définition, enjeux marketing et risques pour les marques

Le greenwashing est un marketing trompeur dans laquelle les entreprises se présentent comme plus respectueuses de l'environnement qu'en réalité

11/4/2024
Greenwashing: définition, enjeux marketing et risques pour les marques

Dans le monde économique d'aujourd'hui, la durabilité environnementale est devenue un enjeu incontournable. Non seulement les consommateurs mais aussi les salariés, les investisseurs et les pouvoirs publics y sont désormais très sensibilisés.

Dans cette quête pour être perçu comme “vert”, le greenwashing peut saper les véritables efforts écologiques réalisés par les entreprises réellement responsables.

Définition du greenwashing

Le greenwashing, que l'on pourrait traduire par "éco-blanchiment" ou "verdissement d'image", consiste pour une entreprise à communiquer de façon trompeuse sur son impact environnemental ou sur les qualités écologiques de ses produits et services. Le but est de se donner une image verte auprès des consommateurs et du grand public, sans pour autant modifier en profondeur ses pratiques.

Le terme greenwashing est apparu à la fin des années 1980 sous la plume de l'écologiste américain Jay Westerveld. Il l'a utilisé pour critiquer l'hypocrisie d'un hôtel qui prétendait protéger l'environnement en incitant ses clients à réutiliser leurs serviettes, alors qu'en parallèle il menait de vastes projets immobiliers dévastateurs pour les écosystèmes locaux.

Depuis, le phénomène a pris de l'ampleur avec la montée des préoccupations environnementales. De plus en plus d'entreprises cherchent à surfer sur la vague verte dans leur communication, même si leurs efforts réels restent limités. Le greenwashing peut prendre de multiples formes : arguments écologiques non étayés voire mensongers, labels auto-décernés sans valeur, mise en avant d'actions symboliques masquant des pratiques globalement néfastes pour l'environnement, etc.

Pour résumer, le greenwashing consiste à donner une image verte trompeuse, en exagérant ses engagements environnementaux ou en masquant son impact négatif. C'est une forme de manipulation visant à rassurer les consommateurs soucieux d'écologie sans changer réellement les choses.

Exemples de greenwashing

Il existe plusieurs cas typiques de greenwashing : 

  • Emballages “écologiques” qui ne le sont pas vraiment : les entreprises utilisent des emballages avec des mentions telles que "100% recyclable" ou "respectueux de l'environnement", alors que ces emballages sont souvent difficiles à recycler ou contiennent des matériaux non durables.
  • Emballages “écologiques” qui cachent des produits qui ne le sont pas : une marque vante un nouveau flacon "100% recyclable". C'est vrai, mais le produit lui-même contient toujours des substances chimiques nocives pour l'environnement et la santé. L'argument écologique est trompeur car il masque l'essentiel du problème.
  • Publicités vertes sans fondement : certaines entreprises diffusent des publicités qui mettent en avant des paysages naturels, des animaux ou des symboles écologiques, sans lien réel avec leurs produits ou leurs pratiques internes.
  • Produits “naturels” non vérifiés : les produits portant des étiquettes indiquant qu’ils sont "naturels", "écologiques" ou “durables” peuvent donner l'impression qu'ils sont fabriqués à partir d'ingrédients respectueux de l'environnement, sans preuves vérifiables pour étayer leurs allégations.
  • Données trompeuses ou incomplètes : certaines entreprises fournissent des données environnementales délibérément biaisées ou incomplètes pour donner une image plus “verte” que la réalité. 
  • Mise en avant de pratiques écologiques anecdotiques, qui dissimulent des pratiques générales qui restent très problématiques. Par exemple, une enseigne de fast-food communique abondamment sur le remplacement de ses pailles en plastique par des pailles en papier. C'est une avancée louable mais qui reste minime comparée à l'impact écologique global de l'entreprise (viande, emballages, transport, etc). C'est une goutte d'eau verte dans un océan de pratiques polluantes. Ou une compagnie pétrolière finance une grande campagne sur ses investissements dans les énergies renouvelables. Dans les faits, cela ne représente que 2% de son chiffre d'affaires, contre 98% qui restent dans le pétrole. Il y a un décalage trompeur entre l'importance donnée au "vert" dans la communication, et la réalité de l'activité.
  • Compensation carbone trompeuse : Certaines entreprises prétendent compenser leurs émissions de carbone en finançant des projets de reforestation ou en achetant des crédits carbone, mais sans réduire réellement leurs propres émissions à la source.

Ces exemples montrent que le greenwashing consiste souvent à mettre en avant des engagements écologiques réels mais marginaux ou secondaires, pour masquer la persistance de pratiques bien plus néfastes pour l'environnement et qui constituent le cœur de l'activité. La communication se concentre sur la part congrue d'efforts verts pour faire oublier tout le reste.

Exemples de marques ayant eu recours au greenwashing 

Voici quelques exemples notables de greenwashing auxquels des marques prestigieuses ont eu recours :

  • Volkswagen et le dieselgate : En 2015, le scandale des émissions truquées a révélé que Volkswagen avait installé des logiciels sur ses véhicules diesel pour fausser les résultats des tests d'émissions, alors que les véhicules émettaient en réalité des niveaux beaucoup plus élevés de polluants dans l'air. Et dès 2018, Volkswagen communiquait sur son engagement en faveur de la mobilité électrique et de la réduction des émissions polluantes… 
  • BP (British Petroleum) : Après la catastrophe pétrolière de Deepwater Horizon en 2010, BP a lancé une campagne publicitaire intitulée "BP goes green" (BP devient verte), mettant en avant ses efforts dans les énergies renouvelables. Cependant, ces efforts étaient minimes par rapport à ses activités pétrolières et gazières polluantes.
  • Nestlé : En 2019, Nestlé a lancé une gamme de bouteilles d'eau "Pure Life" en plastique recyclé, tout en restant l'un des plus gros pollueurs plastiques de la planète. Certes ces bouteilles sont une avancée, mais elles masquent un problème bien plus vaste lié au cœur de métier.
  • En 2021, H&M a fait la promotion de collections "conscious" contenant des matières recyclées ou organiques, alors que la marque reste l'un des symboles de la "fast fashion" aux modes de production très polluants. Mettre en avant des gammes vertes permet de faire diversion.

Greenwashing, marketing et publicité

Le greenwashing est intimement lié au marketing et à la publicité. C'est en communiquant sur ses engagements verts qu'une entreprise cherche à améliorer son image et à rassurer des consommateurs de plus en plus attentifs à l'impact environnemental des produits.

Les techniques marketing utilisées dans le greenwashing sont diverses et parfois subtiles :

  • Images de nature pour illustrer des produits polluants
  • Vocabulaire écologique flou et non étayé : "eco-friendly", "respectueux de l'environnement", "naturel", etc.
  • Labels et logos "verts" autoproclamés, sans certification indépendante
  • Mise en avant d'actions écologiques réelles mais marginales par rapport à l'impact global
  • Comparaisons trompeuses faisant passer un produit polluant pour "plus vert" que les concurrents
  • Partenariats avec des ONG environnementales pour bénéficier de leur image positive

Le but est d'activer des biais cognitifs chez le consommateur pour embellir la perception de la marque et activer des associations mentales positives qui déteignent sur les produits, même si la réalité est différente. 

Cependant, une telle stratégie marketing est non seulement trompeuse, mais elle peut également avoir des conséquences juridiques et financières graves pour l'entreprise.

Pour éviter le greenwashing dans le marketing, il est essentiel de veiller à ce que toutes les prétentions environnementales soient étayées par des preuves solides et vérifiables. Les équipes marketing doivent travailler en étroite collaboration avec les experts environnementaux de l'entreprise pour s'assurer que les informations communiquées sont exactes.

De plus, il est important de communiquer de manière transparente les progrès réalisés en matière de durabilité. Les consommateurs sont de plus en plus méfiants à l'égard des déclarations générales et des promesses vagues. Ils attendent des entreprises qu'elles fournissent des informations détaillées et quantifiables sur leurs enjeux sociaux et environnementaux.

Les risques du greenwashing pour les marques et les entreprises

Les entreprises qui se livrent au greenwashing s'exposent à des risques juridiques et financiers. Voici quelques-uns des principaux risques :

Les risques d’image

C'est probablement le risque majeur du greenwashing. Se faire épingler pour des pratiques trompeuses peut durablement entacher la réputation d'une entreprise, surtout à l'heure des réseaux sociaux où l'information circule instantanément, et où clients, salariés et investisseurs sont de plus en plus attentifs aux pratiques de durabilité des entreprises. 

Quelques exemples de bad buzz liés au greenwashing :

  • En 2019, Volkswagen a voulu tourner la page du "dieselgate" avec une grande campagne sur l'électrique. Mais des ONG ont dénoncé publiquement l'hypocrisie de la marque. Les articles titraient "Volkswagen se rachète une conduite sur le dos de l'environnement".
  • La même année, le pétrolier Aramco s'est fait épingler pour avoir massivement exagéré ses investissements dans les énergies propres. Greenpeace a parlé de "greenwashing de la pire espèce".
  • En 2022, H&M s'est fait accuser de greenwashing en mettant en avant des matières "durables" ne représentant que 0,1% de sa production. Le hashtag #HMgreenwashing a fait le tour de la toile.

Ces exemples montrent que le greenwashing finit souvent pas se retourner contre l'entreprise en portant atteinte à sa réputation. L'effet obtenu est alors l'inverse de celui recherché : au lieu d'améliorer son image, la marque la dégrade. Des associations, des ONG, des médias spécialisés traquent désormais les entreprises qui verdissent artificiellement leur communication. Et leurs révélations sont ensuite massivement relayées et amplifiées sur les réseaux sociaux.

Le greenwashing apparaît alors au mieux comme une tentative de manipulation, au pire comme une hypocrisie mensongère. Dans tous les cas, la sincérité et même l'éthique de l'entreprise sont remises en cause. Sa réputation peut en sortir durablement dégradée, d'autant que les consommateurs sont de plus en plus attentifs et exigeants sur les questions environnementales. Accuser une marque de greenwashing, c'est l'accuser de mentir.

Les risques juridiques 

Au-delà du tribunal de l'opinion, le greenwashing peut aussi conduire une entreprise devant la justice. De nombreux pays ont durci leur réglementation sur la publicité comparative et les allégations environnementales.

Exemples de législations anti-greenwashing :

  • En France, la loi Climat et Résilience de 2021 a créé un délit de "pratiques commerciales trompeuses ayant pour objet de tromper sur les qualités environnementales d'un bien ou service". Les peines peuvent aller jusqu'à 2 ans de prison et 1,5 million d'euros d'amende.
  • Au Royaume-Uni, une entreprise a été lourdement sanctionnée pour avoir prétendu à tort que ses lingettes étaient "biodégradables". Ce type de condamnations pour allégations mensongères se multiplie.
  • L'Union Européenne travaille à un projet de directive anti-greenwashing qui obligerait les entreprises à justifier toute allégation environnementale par des preuves scientifiques vérifiées par des organismes indépendants.
  • Aux États-Unis, la Federal Trade Commission (FTC) dispose de lignes directrices strictes sur les allégations environnementales dans la publicité et le marketing, et peut imposer des amendes substantielles aux entreprises qui enfreignent ces règles.

Ainsi, le cadre législatif se durcit pour lutter contre les abus de greenwashing. Une communication écologique trompeuse expose de plus en plus à des poursuites judiciaires et à de lourdes sanctions.

Les associations de défense de l'environnement et de protection des consommateurs se montrent également de plus en plus offensives dans ce domaine. Elles mènent des études comparatives pour détecter les cas de greenwashing et n'hésitent plus à attaquer en justice les entreprises fautives.

Les risques financiers 

Pour une entreprise, un bad buzz lié au greenwashing et une éventuelle condamnation en justice peuvent avoir des conséquences financières très lourdes : amendes, dommages et intérêts, mais aussi et surtout baisse des ventes liée à la dégradation de l'image.

Quelques exemples chiffrés des risques financiers du greenwashing :

  • Suite au dieselgate, outre une facture judiciaire de plus de 30 milliards de dollars, Volkswagen a vu ses ventes de véhicules diesel s'effondrer. Le titre de l'entreprise en bourse a chuté de 30%. La réputation entachée aura mis des années à se rétablir.
  • En 2019, une étude a montré que 90% des consommateurs déclarent que le greenwashing influence négativement leur décision d'achat. Prétendre faussement être vert fait fuir les clients.
  • Un rapport de Forbes estime qu'une entreprise accusée de greenwashing voit en moyenne son chiffre d'affaires baisser de 10 à 20% l'année suivante. Les consommateurs sanctionnent par leur portefeuille.

Le greenwashing peut ainsi générer des coûts substantiels : 

  • Coûts juridiques et amendes : Les poursuites judiciaires et les sanctions réglementaires pour greenwashing peuvent entraîner des coûts juridiques élevés et des amendes substantielles pour les entreprises.
  • Perte de parts de marché et de revenus : Les consommateurs sont de plus en plus méfiants à l'égard des allégations environnementales trompeuses. Une entreprise impliquée dans un scandale de greenwashing peut perdre des parts de marché et des revenus au profit de concurrents plus crédibles sur le plan environnemental.
  • Coûts de remédiation et de rétablissement de la confiance : Après un scandale de greenwashing, une entreprise peut devoir engager des coûts importants pour remédier aux dommages causés et rétablir la confiance des consommateurs et des parties prenantes, par exemple en lançant de nouvelles campagnes de marketing et en réalisant des audits environnementaux indépendants.
  • Accès limité au financement vert : Les investisseurs et les institutions financières sont de plus en plus réticents à financer des entreprises impliquées dans des scandales de greenwashing, ce qui peut limiter leur accès aux financements verts ou aux investissements liés à la durabilité.

Le greenwashing apparaît au final comme un très mauvais calcul financier. Les gains à court terme espérés en termes d'image sont largement contrebalancés par les risques juridiques et surtout par le coût exorbitant d'une réputation dégradée sur la durée. Même sur le plan purement comptable, mieux vaut investir dans une vraie politique environnementale que dans une communication verte mensongère.

Pour éviter ces risques juridiques et financiers potentiellement significatifs, il est essentiel que les entreprises adoptent une approche transparente, honnête et vérifiable en matière de durabilité environnementale. 

Le greenwashing est une stratégie perdant-perdant qui ne profite à personne : ni à l'environnement qui a besoin d'actions concrètes plus que de beaux discours, ni aux consommateurs qui se sentent dupés, ni même aux entreprises dont la réputation et les finances peuvent lourdement en pâtir.

Les dirigeants doivent prendre conscience de ces risques multiples qui font de l'éco-blanchiment un choix dangereux et contre-productif. À l'inverse, s'engager sincèrement dans une démarche de responsabilité sociale et environnementale, de façon humble, transparente et vérifiable, est porteur de nombreuses opportunités : fierté d'appartenance des salariés, confiance accrue des consommateurs, meilleur accès aux financements verts, image durablement renforcée, etc.

En matière d'environnement, l'heure n'est plus aux belles paroles mais aux actes concrets. Les entreprises doivent s'en persuader et agir en conséquence, en toute sincérité. Leur communication doit refléter leurs pratiques réelles, pas s'y substituer. Dans le domaine écologique plus qu'ailleurs, le marketing doit rester un amplificateur des engagements, pas un cache-misère des mauvaises pratiques. Aux dirigeants d'en prendre acte : le greenwashing est une impasse, seule une écologie authentique est viable sur le long terme.